Archive | août 2012

Jeudi 23 août – Autocorrélation et Cinquième Reich

Musique du jour : La Samba – Bernard Lavilliers
Quel aventurier. Il parait que son vrai nom c’était Nick Caragua, et qu’ils ont appelé le pays grâce à lui.

Oui je vole des blagues (les Fatals Picards, et c’est pas la première fois).

Par ailleurs une amie brésilienne m’a dit qu’elle s’inquiétait pour son petit frère de 8 ans ; il avait été attrapé en train de jouer au docteur avec sa voisine du même âge. J’ai essayé de la rassurer :
« C’est pas forcément la peine d’être sévère, il est juste à un âge où il se pose des questions sur le sexe. »
« Des questions sur le sexe ?? Non, il lui a enlevé l’appendice !! »

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Résumé des épisodes précédents : je viens de poster trois notes d’affilées donc va voir en dessous.

Jeudi 23. Le cours de langue se passe bien, mais aujourd’hui je reste l’après-midi pour de l’ingénierie ! Enfin… Le professeur Antonio Fernandes donne un cours de naval, intitulé « Dynamiques des systèmes fluctuants en milieu océanique II ». J’ai pas vu le 1 mais je chercherai le résumé sur IMDb.

Le cours est en anglais, avec une dizaine de gens, majoritairement des internationaux : Danois, Allemands, Mexicains… et une fille. Ingénieurs vraiment.

On étudie le spectre d’énergie, l’autocorrélation, des transformations de Fourier, et autres délices mathématiques que j’ai vu en première année aux Techniques Approchées et qui sont soigneusement rangées dans mon armoire de l’autre côté de l’océan.
Je suis parfois un peu perdu, j’ai raté les premières lectures, mais sur la théorie j’ai les bases. Je me sens un peu seul à poser/répondre aux questions, telles « pourquoi le bruit blanc s’appelle blanc » (par analogie avec la lumière blanche, qui elle aussi est formée de toutes les fréquences du spectre), ou bien « quelle est la signification de l’autocorrélation », où je tente un « ça quantifie la capacité de prédire le signal présent à l’aide du signal au temps d’avant », mais le prof répond simplement « Non ça a pas vraiment de valeur physique, c’est un nombre défini par sa définition mathématique ». Ok.

J’aime beaucoup la façon dont certains vont lire le paragraphe ci-dessus comme « maths maths maths maths OK ». Mais moi j’aime bien finalement, sinon je ferais pas ce que je fais.

Le cours de jeudi devait réunir les cours prévus pour mercredi et jeudi, 2h chacun, donc durer 4h. Après 2h non-stop je commence à fatiguer et prie pour une pause… sauf que le prof finit par « bon alors à la semaine prochaine », dit au revoir et s’en va. Bon. J’avais peur de me démotiver pour venir en cours, mais deux heures par semaine ça va c’est dans mon rythme.
Apparemment il y a des devoirs, je m’arrange avec un Danois pour le recevoir par Dropbox. Aussi le professeur est surnommé Tatalo par à peu près tout le monde sans problème (comme Babafou à l’ENSTA en fait).
Il a aussi organisé un « championship » consistant à résoudre un système d’oscillateurs : un plafond, une masse attachée au plafond par deux ressorts parallèles, une autre masse attachée sous la première masse par un autre ressort. Le plafond vibre : trouver les paramètres pour que la masse du milieu ne bouge pas.
C’est pas dur en théorie, mais la partie amusante est que les groupes doivent effectivement aller acheter des ressorts et des masses pour fabriquer le système. Le groupe dont la masse centrale bougera le moins remporte l’épreuve. C’est une simulation d’amortisseur dynamique, qui peut sauver des vies sur une plate-forme pétrolière…
Avec mes deux compères allemands on est arrivés trop tard pour s’impliquer, mais j’effectue quand même le calcul dans le bus.

Le soir, repas chez Florette ! Je repère le chemin sur GoogleMaps : en sortant du métro Catete dans le centre, je dois suivre une rue qui serpente et monte en haut de la colline… C’est plus facile à voir qu’à faire. Un quart d’heure et un millier de petits pavés plus tard, j’arrive à peu près au niveau du numéro cherché. La ruelle est vaguement éclairée d’une lumière jaune, assez sale (pas vraiment à cause de l’incivilité, juste parce que les éboueurs auront la flemme de monter jusqu’ici), et il n’y a pas un chat. Enfin, « pas un chat », je veux plutôt dire « il n’y a personne », parce qu’en fait il y a effectivement un chat. Deux. Trois. Mais je les remarque à peine, sous les aboiements. En effet, je suis encerclé par des chiens peu accueillants pour l’étranger errant ; ils restent derrière leurs barrières, mais il leur suffit d’un saut pour arriver jusqu’à moi. Et je porte bien sûr mon sweatshirt orné d’une grande tête de chat.

J’appelle Florette pour qu’elle vienne m’ouvrir. Elle sort de la maison avec les plus gros chiens qui viennent me vadrouiller dans les jambes. Elle rit de mon angoisse et ramène les molosses à l’ordre de quelques mots secs. Personnellement je les insulte copieusement, ça leur apprendra.
La maison est gigantesque et ravissante. Deux étages et un grand sous-sol, de la décoration, une guitare et des jeux qui traînent… Vraiment cool. Mais cher aussi. Ils vivent à une douzaine dedans, je ne verrais que quelques-uns des colocataires et le propriétaire, tous fort sympathiques. Boris est déjà là. Ce soir notre hôte nous fait du riz aux légumes et oignon, et c’est bien bon. Assez longtemps que j’ai pas mangé de légumes… J’achèterai une aubergine le lendemain. On lance les décibels sur de la musique brésilienne et des tubes des années 80. Boris nous montre des clips des Robins des bois, histoire qu’on comprenne ses références culturelles… Une colocataire a le malheur d’entrer dans la pièce et se retrouve noyée sous un flot d’absurdités, héhéhé.
Une fois la vaisselle lavée, on se cale à l’étage sur le canapé du salon, ordinateur sur la table basse, pour se lover sous la grande couverture ; en invités occasionnels, le chien et le propriétaire. On regarde OSS117 – Rio ne répond plus (j’ai fait du lobbying pour ce film), et c’est bien drôle… Habile.
Là je pourrais citer toutes les répliques qui me viennent à l’esprit mais j’ai pas un stockage illimité sur cette plate-forme de blog.
« Tudo beeeeem… »

Enfin. Il se fait tard, on s’endort sur place et on a cours le lendemain : on rentre dormir comme des souches.

Mercredi 22 août – Cours de langue et corde cassée

Musique du jour : At Least it was here – the 88 (I can’t couuuunt the reasons I should stayyy…)

Pour rester dans le thème de cette chanson :
J’ai vu qu’il y avait un cours disponible à l’université sur comment écrire des blagues. J’y suis allé mais j’ai abandonné après le cours sur les set-up. Le professeur est tellement vieux.

[DEMAIN 31 août je pars pour un week-end à Buzios avec le groupe d’intégration des étudiants étrangers, village recommandé pour ses plages, ses plages, ses plages et ses fêtes nocturnes. Le fait que l’ENSTA ParisTech viendra y présenter son nouveau partenariat n’a évidemment rien à voir avec tout cela…]

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Jeudi matin, je me lève tôt pour arriver cette fois en avance à l’université. Ca ne se reproduira pas avant quelques temps… Devant l’entrée de la fac de lettres, assis sur les chaises du kiosques à petit-déjeuner, je repère quelques têtes connues ; ça fait plaisir. Les membres du groupe intermédiaires ont cours l’après-midi, ceux du groupe avancé ont cours le matin en même temps que nous les basiques.

Le cours est assuré par Mme (Mlle) Lia Abrantes, qui verra donc ce blog apparaître la prochaine fois qu’elle se googlera (c’est bon pour la santé de se googler de temps en temps). Une centaine d’élève répartis en 3 niveaux, ça donne des classes d’une trentaine d’étudiants venus principalement de France et d’Allemagne, et une majorité d’architectes ; les raisons statistiques m’échappent mais ça peut être intéressant à étudier. La salle est grande et adaptée, mais on est trop nombreux et de niveaux déjà trop différent pour que ce soit efficace. Ce qui m’intéresse ce serait de la grammaire pure pour avancer rapidement et pouvoir converser au-delà de « bonjour je m’appelle Arthur je viens de France et je joue du violon » ou « ce sera notre petit secret ne le dis à personne », mais l’esprit du cours implique pas mal de conversation etc. Ce qui est une bonne idée en soi, mais ici je pourrais m’exercer à converser directement avec des Brésiliens dehors…
Toujours est-il que c’est plutôt sympathique et mine de rien j’apprends quand même des trucs (ou fixe des idées – conjugaison, construction de phrase – que j’avais déjà rencontrées).

On travaille de 8h30 à 10h pour une pause d’une grosse vingtaine de minutes avant de reprendre jusqu’à 11h30.
A la pause, on croise une poule.

Le kiosque / cafétéria, fournisseur non-officiel de café du matin et de croissants au jambon

Un de mes rêves au lycée, c’était d’acheter des poules pour, une fois le bac en poche, les relâcher dans les couloirs historiques de l’établissement… Apparemment ici quelqu’un l’a fait.

J’ai un faible pour les photos d’animaux qui mangent, apparemment.

Je déjeune à la cantine avec d’autres gens sympathiques. Le repas (jus + riz/feijão/viandaille) est à 2 reais (40 cents d’euros), encore mieux que le mess militaire à Paris, joli record. En revanche, il faut plus ou moins un document qui montre que tu es étudiant, je n’ai rien sur moi dans ce genre là mais ils me laissent passer ; ils ont du lire dans mes mouvements naturels que je dansais le samba comme un Européen.

Je pars ensuite avec deux Allemands très cools chercher le cours d’un professeur d’ingénierie navale en post-graduation. Normalement je suis les cours de graduação, mais avec la grève et pour s’occuper, on essaie ceux d’après. Finalement, après avoir attendu devant une salle vide et taper à plusieurs secrétariats où j’ai un peu impressionné mes compagnons d’infortune avec mon portugais, on retrouve le professeur Fernandes, rentré de sa pause déjeuner : contrairement à ce que disait le tableau au mur (2h mercredi / 2h jeudi), il va fusionner les deux cours en un seul le jeudi. Le professeur parle anglais.

Les deux Allemands s’appellent Malte et Richard (dit Ricardo), passionnés d’escalade, ayant grimpé plusieurs fois déjà au sommet du Pain de Sucre, et incidemment colocs avec Quentin, le Français que j’avais déjà rencontré auparavant… il y a un mois. Ca ne me surprend plus.

Après une après-midi en cocon dans ma chambre, je pars à une soirée des étudiants sur la plage de Leme, à côté de Copacabana. Je retrouve Rafael, dit Rafa, genre hippie brésilien, grand chef de l’organisation ; je lui avais parlé une fois à la dernière soirée sur la plage, dix minutes, mais ce soir il m’accueille à bras ouvert, « ah trop bien t’es venu, c’est vraiment chouette que tu viennes à Buzios avec nous !… ». Un peu étonné, Arthur. Puis je comprends qu’en fait c’était un des guitaristes avec qui j’ai joué à Lapa. Ooooh. Mes cercles de sociabilisation se recoupent c’est amusant.
Un guitariste se balade, Joel, il est franco-portugais et plutôt cool. Un Autrichien, Léo, rencontré lundi à l’UFRJ, se balade avec un ukulélé. Et moi j’ai toujours mon violon. On finit vite par jouer ensemble sur le sable… Joel a ses potes portugais à côté, dont une fille à dreads ; elle me se reconnait pour être aussi venue sur les marches de Lapa, effectivement je me souviens des dreadlocks. C’est le début de la gloiiiire !
Vers la fin de la soirée posée, en ressuscitant des standards de Tryo appris au collège, je casse une corde ! La même que j’avais rachetée trente jours auparavant, c’est rageant, surtout que du coup c’est la seule dont j’ai pas de rechange. Tant pis je continue.

Dodo.

Mardi 21 août – Plage de Recreio et gros sushi

Musique du jour : Maria Rita – Não deixe o samba morrer (piqué chez Camille)

Petite explication sur ce blog :
J’ai pris un peu (trop) de retard sur la description au jour le jour. Donc quand j’ai envie d’écrire quelque chose en relation avec le moment de l’écriture de la note, je le mets ici dans un petit en-tête. Par exemple là on est le jeudi 30 août en vrai. Mais je veux raconter le mardi 21, et ça se passe en-dessous, dans le « corps de la note ». La seule différence étant quelques petits astérisques entre les deux.
Voilà, j’espère que ça dissipera les quelques interrogations que j’ai entendues !

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Résumé des épisodes précédents : lundi 20 c’était test et inscription aux cours de portugais, qui commencent demain matin…

Mardi 21, dernier jour de « vacances », donc. On en profite pour aller jeter un oeil à la plage la plus vantée par les Cariocas, petit ilot de paradis sauvage à la bordure de la ville, loin des touristes et des vendeurs de paréos : Recreio.

Je pars tôt (midi) rejoindre Florette et Boris sur Ipanema. Boris ne s’est pas levé. Je pars donc avec Florette dans un bus vers l’ouest… puis un deuxième… et là le trajet dure. Le quartier se transforme ; plutôt que des petites rues pleines d’animation comme dans la Zona Sul, on passe sur de larges avenues bordées par des grands centres commerciaux à l’américaine. Ou comme à Acapulco ou Cuautla…

On finit par arriver à des panneaux marqués « Recreio », mais pas de plage en vue. Attendre de la voir ? Descendre maintenant et risquer d’être clairement super loin de la plage ? Une dame sur le siège derrière nous nous répond « non ! descendez tout de suite ! c’est là ! aaaah ! ».
[le « aaaah » est peut-être rajouté]

On se retrouve donc au milieu d’une avenue ensoleillée et bordée de palmiers, mais qui serait beaucoup moins accueillante si il n’y avait ni le soleil ni les palmiers.

Aujourd’hui, des photos !

Sur la route. Sauf qu’à la place de Jack Kerouac c’est Claude François, et la drogue a été remplacée par les pains au fromage.

On se dirige dans la direction de la plage, et on marche.
La dernière fois que j’étais dans une situation similaire, c’était à Galway en juin, et j’avais marché une heure pour trouver ce qui devait être juste à côté…
Finalement, après encore vingt minutes de marche en tongs, on la voit, elle est là, pour nos yeux : la plage !

L’homme sur la transat est en réalité le Père Noël pendant ses vacances.

On s’arrête en réalité au kiosque en face pour manger un morceau et boire un jus de mangue. Le serveur nous propose un plat de frites, pourquoi pas. Pendant le snack, le vent harcèle les tables autour de nous, le parasol d’à-côté s’envole… En demandant l’addition, surprise : 50 reais à deux. C’est à dire le prix d’un restaurant « pizza à volonté » par exemple… On se sent eus comme des touristes, mais que dire ? Du coup on se tait et on obéit. Un jour j’aurais de la volonté, mais je ne sais pas me mettre en colère de toute façon.

Le saviez-vous ? Les hamsters clignent les deux yeux indépendamment (Unrelated)

La plage est effectivement déserte de touristes, mais le vent frais empêche de se mettre à bronzer, et globalement le coin est pas vraiment meilleur qu’Ipanema. Et surtout à 2h de bus. Mais c’est quand même intéressant d’être venu vérifier une fois.

Du coup on reprend le bus

Après un passage à la coloc, je rejoins mes deux compères pour un resto sushi ! C’est au centre commercial Botafogo juste à côté de chez moi, donc c’est cool ; pas un « mall », plutôt un bâtiment intégré au quartier, mais rempli de magasins et restaurants et librairie et cinéma du premier au huitième étage. A chaque nouvel escalier mécanique, je me sens un peu au grand shop Pokémon de Céladopole… [Oui je n’ai pas assez fait de référence culturelle au jeu Pokémon jusqu’ici, ça c’est fait].
Tout en haut, je retrouve Florette, et Boris qui porte du linge dans son sac à dos, l’élégance française. On s’attable et on se jette sur le buffet de sushi comme Rambo sur un village de Viet. Ils sont plutôt pas mal… Ceci dit j’avoue que dans la vie d’habitude. je me fais pas trop de sushi. Enfin, quand on nem on ne compte pas.

La terrasse extérieure permet d’admirer la vue sur Rio et la plage de Botafogo, jolie mais aux eaux polluées. Et les voiliers à quai. Je dois impérativement me faire un ami qui aurait un bateau, pour pouvoir aller faire un tour ! Recherches en cours.

Enfin, Boris nous avoue qu’il doit rentrer faire des avions en papier. Toujours le même modèle, depuis plusieurs jours, il cherche à en faire 3000 avec ses copains. Normal.
En fait il n’est pas simplement psychopathe ou adepte prosélyte de la Congrégation pour l’Avènement du Grand Aviateur ; il les fait pour le suspendre dans une favela comme projet d’architecture.
Personnellement, un de mes derniers projets en école d’ingénieur avait été de modéliser l’instabilité de Kelvin-Helmoltz sur MatLab par différences finies avec un schéma numérique explicite centré, alors faire des avions en papier ça parait chouette.

Du coup on rentre.

Lundi 20 août – Université fédérale et Chevalier des ombres

Musique du jour : Edith Piaf

Aujourd’hui lundi 20 août, je dois aller à l’université passer un test de portugais, pour être réparti entre niveaux dans les cours commençant mercredi. C’est chouette, des cours ! Mais ça oblige à se lever tôt…
Par contre je ne suis encore jamais allé à l’université depuis mon nouveau quartier, et les ressources que je trouve sur Internet ne sont pas très loquaces. Je décide de m’en remettre à la chance et au savoir des conducteurs du matin… L’agent à l’arrêt de bus me conseille d’aller au Central en métro, là où tous les bus vont et viennent.
Je me retrouve donc, déjà en retard, à chercher un fronton marquant « Île de Fundão, express pour étudiants cherchant à arriver à l’UFRJ à 9h alors qu’il est déjà 9h10 ».
Je suis un peu enquiquiné mais sans trop m’en faire, la vie brésilienne m’a appris qu’on peut toujours être un peu en retard…

En descendant sur l’île, je dois encore trouver la faculté de lettres où j’ai rendez-vous. Et là je tombe sur Boris qui descend du bus d’à côté. On est dans la même situation, et c’est un peu marrant. La navette gratuite qui fait le tour du campus nous dépose à destination, on se presse dans la salle.

La faculté de lettres, où je reçois les cours de portugais

Juste pour montrer l’ambiance, les arbres, le soleil sur le campus

Et en fait on est large. Je retrouve Florette et quelques gens que je connais, puis fais la queue pour échanger mes papiers (photocopie de passeport, lettre d’acceptation) contre un sujet de test. En fait il ne prend qu’une heure, suivi d’un petit oral, et mes camarades déjà arrivés ont déjà terminés. Avec Boris, on finit par s’y mettre… Plein de trucs que je ne connaissais pas, et d’autres que même en français, je galèrerais : rédaction d’une lettre présentant ton pays à un Brésilien, rédaction d’un petit article sur la base d’un texte sur l’apparition des MBA dans des universités brésiliennes… Du grand n’importe quoi.
L’oral se passe mieux, je discute de mon intégration dans la communauté catholique.
Enfin vers midi tout le monde a fini.

On se dirige vers la plage de l’île, à une demi-douzaine de Français à peu près tous architectes, et un Autrichien-Allemand, Léo, plutôt cool. Déception : le long de la berge, ça pue. Pas vraiment une plage à touriste. Qu’à cela ne tienne, on s’étend au soleil sur l’herbe un peu plus loin. Je médite sur la vie et le temps qui passe inexorablement. J’ai peut-être ronflé à un moment, mais c’était une méditation vraiment profonde.

Vers 14h on retourne dans nos « chez-nous » respectifs, où je plonge dans une sieste délicieuse. Mon portable me réveille pour mon autre rendez-vous : Batman !
Après deux ans d’attente, deux mois de trépignation antérieure, la sortie du film décalée entre Irlande, France et Brésil, et un mois de tribulations cariocas et administratives… je peux enfin voir ce film.
J’ai beaucoup aimé finalement, avec quelques réserves, mais j’avais peur de quelque chose de bien pire. Les prévisions de Cracked.com se sont révélées finalement très proches de l’histoire finale.

Et comme tous les films que je vais voir, je m’informe après coup sur la page tvtropes. Puis sur d’autres sites. Puis d’autres…

(Le prochain paragraphe est tiré des réflexions de l’article de Cracked) :
Christopher Nolan, le réalisateur, nous a prévenu dans le Prestige : chaque tour a trois actes, le set-up, qui présente quelque chose de relativement banal (cf Batman Begins, le Prestige), le renversement, qui montre un aspect nouveau et surprenant du setup (cf The Dark Knight, Inception) qui impressionne le spectateur de telle sorte qu’il croit que c’est fini, et enfin le prestige, qui détourne le renversement et en sort quelque chose de magique qui explose le cerveau. Dark Knight Rises devait être le prestige de la trilogie Batman Nolan, mais j’ai l’impression qu’on lui a imposé une fin qui ruine un peu l’effet.
Ceci dit j’ai maintenant très très hâte de suivre le prochain film (non-Batman) de Nolan…

Et après avoir fini ces articles, il est beaucoup trop tard, donc je me couche. Soirée méga-teuf donc.

Samedi 18 août / Dimanche 19 – Nouvel appart et messe jésuite (II)

Musique du jour : Marinheiro So – Clementina de Jesus
(Entendue pendant le barbecue chez Patricia de la paroisse, où j’ai eu l’honneur d’être invité ; jouée par un prêtre jésuite à la guitare et un Carioca dans un hamac, avec les filles qui reprennaient le refrain et la vue sur le Christ du Corcovado, qui était à deux doigts de taper dans les mains aussi)

Ce post est probablement pas super intéressant, donc si vous passez ici par hasard, allez voir les notes précédentes, il y a des animaux mignons parfois.

Résumé des épisodes précédents : Violoner à Rio, c’est cool ! Après avoir franchi des trucs administratifs, et fait un faux départ avec un appartement où je suis resté une nuit avant de m’enfuir à toutes jambes, je suis retourné en auberge de jeunesse. Mais je viens d’accepter une coloc chouette !

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Samedi je déplace ma valise. J’avais prévu de laisser mes affaires à la colocation à 11h et de partir ensuite pour Paraty/Ilha Grande, mais le voyage est reporté, donc je prends le temps de photographier la volière de l’auberge.

Volière dans le couloir entre le dortoir de l’auberge et ce qui semblait être une maison privée… Où des gens faisaient des travaux toute la journée…

Je pars donc à midi après un dernier « Cuicuicui » (ça veut dire « Salut, à la prochaine fois, et en attendant passez un très, très bon week-end », en perruche). Contrairement à l’appart précédent, celui-ci se trouve à juste une rue de l’auberge, et c’est pratique.
Des rumeurs racontent que certaines personnes changent de ville quand elles déménagent, et doivent emmener des vêtements et des meubles et plein d’affaires… Quelle étrange idée.
Déjà avec une valise et deux rues je galère…

[Aussi, maintenant j’ai une adresse postale, mailez-moi si vous la voulez ; par ailleurs, mailez-moi si vous voulez une carte postale aussi]

A la coloc m’accueille Demian, qui me laisse sa chambre pour partir au Canada. Fort sympathique, mais le temps que je sorte des toilettes il était parti. Ma chambre (dont je posterai des photos un autre jour) est très petite ; le lit est un matelas qui se replie en fauteuil, c’est pratique parce que je dois en fait physiquement plier le matelas pour pouvoir ouvrir ma porte. C’est même pas vraiment une chambre, plutôt deux murs préfabriqués placés autour d’un coin du grand salon, à louer 800 reais par mois. Mais il y a une fenêtre sur l’extérieur, un placard, une lumière et un ventilateur, je n’ai pas à me plaindre de mes colocs, et j’ai l’électricité et le wifi. Tout ce que je demandais dans mes critères de recherches, donc.
Je croise un autre coloc, Jahir le Colombien ; on parle en portugais, il m’explique qu’il a un peu de mal avec la langue après ses six mois ici parce que les Cariocas utilisent beaucoup d’expressions et de métaphores. Jahir étudie l’animation 3D, je crois comprendre qu’il a fait un stage chez Pixar… Il travaille surtout ici, à construire sur son ordinateur des modèles étranges. Habile.
Thadeus, l’autre colocataire présent, est Brésilien, mais pas de Rio, donc évidemment de Belo Horizonte…
Les autres sont absents pour le week-end.

Je pars faire des courses pour vraiment me sentir installé : oeufs, pâtes, viande… J’avais vu des allumettes sur le frigo, et ça c’est non, donc j’achète aussi un allume-gaz en passant ; je ne l’aurais pas fait pour l’appart précédent, mais là c’est pour toute la colocation (et aussi pour pas faire exploser le quartier), donc j’ai moins de problème moral que pour équiper mon ancien et éphémère landlord.

Je passe la soirée à Lapa, où je retrouve Eric le bluesman sympathique, mais aussi Alessandro l’Italien de mon ancienne auberge d’Ipanema. On se retrouve tous ensemble dans un club de forro au deuxième étage d’une maison, le groupe joue extrêmement bien. J’essaie d’apprendre quelques pas, mais je suis quand même échaudé par la maitrise des couples autour de moi… Finalement je rentre passer ma première nuit dans ma nouvelle coloc.

Dimanche je me réveille tard et ne fais pas grand chose…
Je retourne jouer à la messe jésuite de la semaine dernière, cette fois-ci seul et préparé psychologiquement. Un certain nombre de « Oooh » et de « Aaah » quand je me présente à ceux que je ne connais pas, mais sinon je suis très bien accueilli. Aussi je parle pas trop et préfère jouer, c’est moins fatigant…
(Oui c’est mon background geek, sociabiliser est un effort)

C’est la messe de l’Assomption ! Normalement c’est le 15 août mais ici ils la font le dimanche après le 15 août, pour être plus solennels. Marie assume l’amour de Dieu etc. Je ne suis pas très fan de ce texte à vrai dire… Je fréquente des protestants aussi, ils ont dû me corrompre avec leurs hérésies.

Mais sinon à la fin les gens ont bien aimé mon accompagnement, donc c’est cool. La maman qui faisait la 2e guitare a loué mon sens du rythme, je suis pas très sûr qu’elle ait entendu ce que j’ai joué, mais c’est tout de même sympathique. Aussi après elle m’invite à un churrasco (barbecue) qu’elle va faire chez elle la semaine prochaine, et c’est tout de même extrêmement sympathique !

A suivre…

Vendredi 17 août – Zombie

Aujourd’hui 23 août j’ai eu un vrai cours ! Avec des maths et tout et tout. Et je blogge rapidement, on va se faire une soirée repas-Robins des Bois avec Boris et Florette, chez elle. Je vais mettre 25 minutes pour y aller, le rendez-vous est dans 5 minutes… Heureusement qu’ils ne liront jamais ce post !

Hum… désolé.

Sinon, rien à voir, mais rappel sur le post de l’autre jour : « douma » (ou plutôt duma) est effectivement déjà un mot portugais, contraction de « de » et « uma ». Mes plans de créer des nouvelles entrées au dictionnaire s’envolent…

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Musique du jour : Je suis malade – Serge Lama

J’avais des projets de trucs à faire, mais à la place j’ai passé la journée à l’auberge affalé sur le canapé à prendre des médocs.
J’ai épluché le blog de GiveWell, et c’est très intéressant. GiveWell est une petite organisation fondée en 2007 par des gens issus du monde bancaire, et qui cherchaient un moyen de savoir à quelle association il faut mieux donner. Ne trouvant rien de crédible, ils s’y sont mis à plein temps, et c’est bien.

Parce qu’on parle beaucoup de donner à des associations, comme si c’était un but en soi ; mais le bien ne se juge pas à la quantité d’argent donné (ça c’est le point de vue du donneur et si on est honnête, on s’en fiche), et surtout pas au ratio d’argent distribué par une organisation sur l’argent qu’elle dépense en frais d’administration (c’est pourtant un critère souvent avancé, et il est à la fois stupide et contre-productif). Non, ce qui compte c’est l’effet que le don va produire ; si tu à 1000 dollars à donner, et que tu dépenses tout dans un programme inefficace (parce que tu ne t’occupes pas de vérifier l’efficacité, juste de « donner » comme si c’était une fin en soi), c’est non seulement idiot mais même limite criminel : avec les mêmes 1000 dollars aveuglément jetés par les fenêtres, tu peux réellement sauver des enfants de la malaria avec des moustiquaires fiables et efficaces.

Je n’aurai pas l’éloquence dont ils font preuve page après page après page de données et d’étude et d’évaluations d’impact et de prise en compte des biais et des arguments objectifs, donc je redirigerai juste vers leur site encore une fois.

Sur Facebook, Lotfi l’ENSTA parti au Japon discute avec moi à ses 3h du matin, et ça fait plaisir. Robin le Vélizien me partage ses envies de changer le monde et l’Eglise telle qu’elle est, et ça fait encore plus plaisir.

Je blogge un peu, et passe réserver mon appartement ! J’avais envoyé un sms de confirmation la veille pendant la randonnée, mais je viens réserver à 100% en payant mon premier loyer. En montant, je croise dans l’ascenseur un garçon venu visiter ma chambre. Je regarde la fille de l’agence lui faire visiter, alors qu’elle sait que je viens emménager, et c’est plutôt drôle.

Je passe quand même ma dernière nuit payée d’avance dans l’auberge, et j’apprends par SMS qu’avec les cours de portugais qui s’annoncent et la réunion d’informations des architectes et ma forme suboptimale pour le moment, on repousse le voyage à Ilha Grande.
Tant mieux, j’avais pas suffisamment de fringues propres pour toute une semaine…

Mercredi 15/Jeudi 16 août – Pedra da Gavea !

Musique du jour : Si tu vas à Rio (n’oublie pas de monter là-haut)

Le post d’aujourd’hui va être long et plein de grosse images, mais à la fin il y a un singe qui mange une banane, vous pouvez sautez jusqu’à là si vous voulez. Comme d’hab, cliquer sur les photos pour les agrandir, et ctrl+click pour ouvrir dans un nouvel onglet.

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Aujourd’hui excursion !
On va à la Pedra da Gavea
(lien vers Wikipedia, et le blog de Florette sur la même aventure)

« Rendez-vous 8h à Lapa », qu’ils disaient… C’est beaucoup trop tôt pour moi ! Alors tant pis, pour une fois je serai en retard à un rendez-vous au Brésil, na ! J’arrive à 8h30 et suis assez étonné par le calme de mes compagnons, qui ne m’ont pas envoyé de message exaspéré… hum… effectivement ils ne sont pas arrivés. Diantre même en faisant exprès je ne peux pas être en retard !
Florette est là depuis quelques temps, elle, elle a eu le temps de se faire effrayer par une vieille et assister à une bagarre domestique…
Au bout d’un moment, la voiture arrive et on s’en va.

Alors, présentation des marcheurs : Boris et Florette les étudiants architectes toulousains avec qui je commence à former un vrai crew, Sebastiàn l’Hispano-Brésilien francophone qui héberge plus ou moins Boris, connait bien le chemin et est globalement vraiment cool, Nicolà l’Espagnol qui joue de la flûte et Ana Beatriz qui nous apprend à dire « Caramba ! ».

L’idée était qu’on monte rapidement en haut, on regarde le paysage, Florette, Boris et éventuellement quelqu’un d’autre restent dormir sous tente là-haut et le reste redescend. Dont moi, et en plus j’ai promis à Eric (trois fois) que j’irai à sa Blues Night ce soir. Du coup je n’ai pris ni duvet ni vêtement de rechange, juste une bouteille d’eau, une crème solaire et un sweat des Artistochats, le Bureau des Arts de l’ENSTA ParisTech, fourré dans mon sac de cours…
Entassés dans la voiture, j’apprends que tous les autres veulent passer la nuit au sommet. Pas glop. Seb me rassure en me disant qu’il peut me raccompagner sur la partie difficile et remonter. On verra.

Il est 11h, on s’arrête à un supermarché pour acheter masse de nourriture ! Jambon, fromage, pain… salade… un avocat… miam. Puis on reprend la voiture jusqu’à se garer à l’entrée du sentier.

Début du sentier.
Remarquer le « Dificil » et le « Escalade à la fin »

Des gardes dans une hutte quelque pas plus loin nous font signer une décharge de responsabilité si on rentre pas avant la nuit.

Le début c’est cool. C’est à dire pendant 5 minutes. Après c’est juste absurde. Il fait beaucoup trop chaud, le sentier monte en pente raide (on dirait pas sur la photo, mais chaque pas est un peu plus dur), tout le monde souffre globalement. Sauf Sebastian qui pourrait monter ça sur les mains, je suis sûr. On traverse la jungle, et mon T-Shirt devient vite trop humide pour être porter ou pour espérer sécher un jour… Boris le velu ruisselle tout autant.

Sentier typique : un escalier de racines, au soleil.
Par contre on peut pas se perdre.

Soudainement on croise des singes ! Des petits, noirs avec des moustaches blanches. Ils ne s’approchent pas malgré nos bananes tendues en offrande à la gloutonnerie simiesque. On en voit un rater son saut et tomber comme un naze dans les branches. Je suis presque sûr d’avoir vu ses copains le pointer du doigt en riant.

On repart, on passe sous des rochers, on crapahute sur des éboulis, on longe des cascades… puis on aborde le nuage.

Le sommet de la montagne était perdu dans les nuages, quand on l’avait vue depuis la plage de Copacabana…

Le sommet est à 800m d’altitude, et on en n’est pas loin.
Soudain : le mur. La falaise. L’escalade.
Sebastian part devant sans problème, nous autres pauvres humains essayons de le suivre, montant un par un grâce à son aide les rochers dans la brume, et le vent, et bientôt la pluie. Alors qu’à un moment il aidait quelqu’un plus haut, je me retrouve à un moment à cours de prise, dans le vent, déjà enrhumé, avec un sac inadapté et un sweat sans T-Shirt dessous, bloqué et tremblant au-dessus des rochers pointus, l’heure tourne, et je sais que je devrai repasser par là pour redescendre. Et à ce moment précis, il se met à pleuvoir autour de moi.
Une petite pluie fine condensée du nuage dans lequel je suis, et qui vient assombrir le rocher et le rendre glissant.
Là j’envisage rationnellement mes possibilités, et je suis brièvement tenté par les argument pour juste me glisser dans une faille de la paroi pour me rouler en boule et pleurer. Je ne trouve pas de faille assez accueillante, et Sebastian vient m’aider à atteindre une autre prise, donc je continue.

Une fois le mur monté, encore quelque pas, et après 3h et 25 litres de sueur, on arrive au sommet !

En haut ! Sur le plateau tout du moins.

On remarque qu’en revanche, quelqu’un a volé le décor…
Oui la belle vue qu’on était venus chercher n’est plus qu’une bulle de cinquante teintes de gris, et c’est tout naze.

On se console en mangeant.

On est quand même battus par les vents, mais on a des sandwichs à l’avocat alors ça va un peu mieux

Heureusement, tout à coup, les brumes se dispersent, le rideau nuageux s’entrouvre et… tadaaa !

Tadaaa !

Et ça s’ouvre, et ça se ferme, et ça se rouvre, et ça se referme… On reste quelques temps à s’émerveiller toutes les cinq minutes à chaque fois que s’offre à nous toute l’étendue de Rio, les plages, les favelas, les Deux Frères, le Christ au loin, le Pain de Sucre encore plus loin… Et ça c’est chouette.
Mais c’est quand même sacrément encombré par les nuages, et c’est dommage (ça rime en prime). Je me dis qu’il est temps pour moi de redescendre, j’ai encore une chance de pas avoir à faire une partie du chemin de nuit. Mais la descente fatigué, les jambes tremblantes, et sous la pluie, peut s’avérer dangereuse, je le sais. Et la Blues Night supposée n’est même pas sûre de me donner l’occasion de jouer… Sebastian me dit de rester, et ça finit par me convaincre. Au pire on se serrera dans la tente.

Il est 17h, la nuit ne va pas tarder à tomber, on va monter la tente. Au passage on monte à une corde et on croise une araignée que j’aimerais pas croiser dans mon duvet.

Pendant la nuit, les nuages se dispersent et la ville s’éclaire.
C’est magnifique, mais mes photos à l’appareil numérique sont floues.

Lumières de la ville jusqu’au bout de l’horizon

La nuit à 6 dans une tente prévue pour 2 est pleine de contorsions et vent qui fait claquer la paroi contre laquelle je suis. J’ai trop chaud avec mon sweat et trop froid sans. Je me sens tomber malade à chaque brise qui passe. Cool cool cool…

Le soleil du matin vaut le coup d’oeil, je dois dire.

Ils ont enlevé les nuages !

Nico joue de la flûte au soleil levant, on reprend un sandwich, on démonte la tente comme des scouts (j’ai déjà fait ici la blague sur le rappeur et le scout, non ?), et on est reparti sur le chemin. Sauf que là, le panorama est à couper le souffle à chacun de nos pas.

Ouais je fais des premiers plans

Aussi ça descend donc c’est mieux.

On s’arrête où on a mangé la veille, sur un plateau nu, la mer se perdant dans les nuages à l’horizon. On est parfois survolés par une volée d’oiseaux qui se croient bêtement chez eux à une telle altitude, mais qui tombent sur des gens bizarres qui chantent des morceaux de samba ou la Marseillaise ou Françoise Hardy ou Bohemian Rhapsody à pleine voix, mais faux. Héhéhé.

On repart, on désescalade la paroi, et pour le coup, j’y arrive sans trop de problème et c’est même fun. Boris galère un peu, Florette aussi mais elle a le mérite d’avoir gardé son sac, contrairement à moi…

Rock climbing

Un peu plus bas, après avoir croisé un lézard gros comme la main qui prenait tranquillement le soleil, je me retourne et aperçoit la fameuse figure sur la montagne :

« Imagine un géant, mais genre vraiment très grand. Il veut se gratter, ça te prend quoi, dix secondes ? Bah du coup quand il se gratte il va plus vite que la lumière »
Les Fatals Picards

Le chemin dans la jungle, alors qu’il fait beau et que ça descend, est finalement assez fun. Je gambade entre les racines et saute parmi les rochers et vole parmi les toucans [ref. necessaire][mais il y avait vraiment des toucans !] ; par contre quand je m’arrête je me sens vraiment pas bien… La nuit sur la montagne m’a bousillé mon état de santé, j’en prends conscience, et je ne sais pas trop si ça valait le coup.

Puis on retrouve nos amis les singes, et cette fois-ci ils viennent vers nous. Magique.

…Bon, peut-être que ça valait le coup.

On passe par une petite cascade, puis voiture, les autres veulent aller manger un truc brésilien à volonté, mais là je suis vraiment trop mal pour avoir faim ou vouloir autre chose que rentrer. Donc je dis au revoir à tout le monde et part à l’auberge.

Et voilà qui met fin à cette aventure !

Mardi 14 août – Blues et bracelet

Musique du jour : Sous le soleil exactement

J’ai fini de regarder la saison 5 de 30Rock, la série est bien, Tina Fey et Alec Baldwin sont géniaux, mais le dernier épisode de cette saison est tout pourri.
Aussi je suis allé voir Batman, …finalement ! J’en attendais beaucoup, j’en avais entendu beaucoup de mal, j’ai même été spoilé par le site 9gag, mais au bout du compte j’ai quand même beaucoup aimé. Venez me parler pour en débattre.
Aussi demain matin mes cours de portugais commencent à l’université.

Aussi, pas de photo aujourd’hui, mais deux chiens dans la neige.

***

Très court post, j’ai une semaine de retard et des notes courtes encore une fois.
Ce matin du mardi 14, je devrais rappeler Laura, qui m’avait dit qu’elle avait enfin les mp3 de ma session de violonage au studio ; mais j’ai la flemme… Je dois encore le faire, et on est le 21 août.
J’ai faim, et j’en ai marre de manger des salgados (tout petits plats à emporter mais très nourrissants), donc je me prends toute une assiette de feijoada, plat à base de riz, haricots rouges et un bout de viande lancé au milieu assez typique. Je n’arriverai pas à le terminer, d’ailleurs.

Eric le guitariste blues rencontré l’autre soir à Lapa, me propose de se voir cette aprèm pour répéter : demain on est censé jouer à une Blues Night ! J’ai rien d’urgent à faire maintenant, donc je le rejoins à Lapa encore. On se cale devant un bar pour jouer un peu mais le serveur refuse donc on prend juste un verre. J’apprends qu’Eric a surtout passé son enfance à Salvador de Bahia, qu’il est venu à Rio pour un job d’informaticien il y a un an, et que son père était le chanteur d’un groupe assez connu à l’époque ! On discute, il m’aime bien, c’est cool. Par contre il m’avoue que son plan de Blues Night est pas 100% sûr, les mecs qui gèrent ça sont pas super prêteur de leur matos d’amplification (et je garde pour moi que je crois bien avoir un jour pété un ampli à force d’y jouer des notes trop aigues), et que de toutes façons on jouerait après eux, genre vers 2h du matin. Mouais ça me semble un peu fragile et potentiellement naze, et surtout je ne sais pas si ça vaut le coup de rater la nuit prévue sur le haut de la montagne Pedra da Gavea…
On joue un peu finalement, du blues Jimi Hendrix, puis sa copine, Joana, arrive ; fort sympathique, avocate spécialisée dans les visas étrangers, ça peut être utile. Elle, elle vient de Belo Horizonte, comme la plupart des Brésiliens non-cariocas que je rencontre. Au milieu de la conversation Eric me fait un cadeau ! Il sort de sa poche une demi-douzaine de rubans de toutes les couleurs et me demande de choisir lequel.
Joana m’attache alors autour du poignet le ruban bleu foncé marqué d’une courte prière du Bahia : je dois faire un voeu à l’attache de chacun des trois noeuds, et ils s’exauceront quant le bracelet cassera.
J’en avais déjà vus, mais ça me fait très très plaisir. C’est touchant.

Je pars ensuite voir un appartement près de mon auberge, à Botafogo : une colocation à 6 Brésiliens/Colombien, chambre individuelle, machine à laver, cuisine, wifi, 800 reais. L’appartement correspond aux critères que je recherche, je suis intéressé. En partant, je croise sur le seuil deux autres Français venus visiter également. Ca met la pression.

Je repars rejoindre Eric et Joana, cette fois-ci accompagnés de Pedro, grand dégingandé à casquette posé sur la tête, plutôt cool. Contrairement au couple, il ne parle pas anglais, ça limite un peu. Eric m’invite chez lui, juste à côté, où ils vivent à deux ; faire une soirée dans un appartement particulier c’est un de mes grands projets ici, donc je le suis, et c’est très sympa. On se retrouve à sortir les instruments dans son salon, bien fun.

On finit la soirée sur les marches carrelées de Lapa, à chanter I Will Survive avec deux autres guitaristes.

***
Cette dernière chanson a été l’objet d’un stand-up que j’ai vu à Galway, qui disait globalement :

I Will Survive est la chanson ultime de libération de la femme, qui soulève le mieux le désir d’indépendance et de liberté dans un monde machiste. On peut lier sa qualité au fait qu’elle ait été écrite par deux hommes.
Aussi, bon, « I should have changed that stupid lock », évidemment elle a pas pu le faire, parce que c’était un travail d’homme.

Voilà, bisou à toutes.

Lundi 13 août – Leçon 1 du rusé linguiste : évite d’avoir la langue qui fourche

Musique du jour : Les soirées aux environs de Moscou

Pas de photo aujourd’hui, alors pour commencer :

Voilà, maintenant j’ai votre attention…
Aussi ça me sert pour détecter les spambots :
si tu n’as pas dit ou pensé très fort « aaaawwww… » c’est que tu n’es pas humain, tu peux aller voir ailleurs si j’y suis espèce de robot à spams !

Musique du jour en russe, jeu de mots anglophone vaseux en titre, mais oui c’est l’heure de la linguistique à deux reais d’Arthur L. !

Le russe et le portugais sont évidemment deux langues complètement différentes séparées par tout un tas de paramètres (« wow quel érudit » dit le lecteur émerveillé après cette première phrase ; pouêt, va voir sur Wikipedia pour ça). Cependant, il y a quand même des rapprochements, et c’est ça qui est étrange. Pas de mots transparents entre les deux langues, comme il peut y en avoir entre les langues latines (et ce qui me fait me mélanger entre portugais et espagnol, mais me sauve à d’autres moments) ; plutôt, l’utilisation de mêmes voyelles et consonnes. « Bah oui tout le monde utilise les mêmes voyelles et consonnes, Chomsky de bas étage », rétorquera le lecteur de moins en moins émerveillé, mais :
1) l’alphabet russe n’est pas le même donc ce n’est si évident,
2) le français et l’anglais ont beaucoup moins tendance à utiliser des o et des a partout,
3) c’est stupide, évidemment que non, les sons sont complètement différents entre l’anglais, le portugais, le français, le chinois, même l’espagnol ! Va faire dire « bavaroise au chocolat » à une Mexicaine et on en reparle.

(Digression dans la digression : les caractères « deux-point », « chiffre un » et « parenthèse fermante » forment le smiley d’un homme heureux avec un gros nez, amusant).

Ainsi donc, comme j’en parlais l’autre jour avec mon ami russisant Antoine C. [qui ressemble à peu près à « :1) » justement], je me retrouvais parfois à mélanger espagnol et russe à Saint-Pétersbourg, et avec le portugais c’est encore plus flagrant.

Ainsi, alors que le brésilien parlera d’aller marcher « na rua » (na roua, dans la rue), le russe emploiera « на улица » (na oulitsa), notez la même préposition.
Un mot que j’ai entendu revenir ici et a fait tiqué mes oreilles sonnait comme « jenchi », ou « jenchina »… c’est à dire comme « женщина », la femme. C’est en fait le mot « gente », prononcé « jen’chi » à la brésilienne, « les gens », ou « on ». « Les gens dans la rue » fait donc effectivement entendre le mot « женщина », sans que ce soit un complot soviétique comme je l’ai d’abord cru.
Par ailleurs, les mots « дума » (douma, la pensée*), ou « guaranà » (gouarana, plante amazonienne dont on fait une boisson célèbre ici) pourrait très bien s’imaginer dans l’autre langue.
Preum’s pour soumettre « douma » aux éditeurs de dictionnaires portugais en leur certifiant que ça veut dire « l’étiquette de prix qu’on a oubliée sur un cadeau », ça passera tout seul.

[Ok, j’ai peut-être été inspiré par ailleurs pour cette blague]

*oui, Douma comme l’organe législatif russe aussi, ce qu’on appelle chez nous le Parlement ; sauf qu' »en Russie on pense, et en France on parle ».

****
Retour au blogging :

Lundi, donc, j’ai passé l’après-midi à la plage avec Florette et Boris pour officiellement débattre de l’organisation de l’expédition à Ilha Grande prévue pour la semaine prochaine, et pour officieusement se retrouver sur la plage de Leme (au bout d’Ipanema) à porter des maillots de bain en hiver, regarder le soleil se poser sur les montagnes impressionnantes et le sable chaud et les vagues inlassables et les Cariocas en tongs, penser à tous les gens à Paris et se dire qu’on est censés être venus ici à la base pour travailler dur, et du coup rigoler spontanément.
Aussi Boris loge chez un pote brésilien (espagnol en fait, mais qui a surtout vécu ici), Sebastian, qui nous invite à aller escalader la Pedra da Gavea (montagne qu’on voit au loin, le sommet plat perdu dans les nuages les plus bas), mercredi, et peut-être dormir là-haut. Depuis j’ai posté les photos donc vous devez savoir comment ça finit.

Aussi Boris a une tortue dont je suis l’ami Facebook et Florette a un jour été perdue dans un supermarché par ses parents qui sont rentrés chez eux sans s’en apercevoir, elle a dû les appeler. Je l’ai peut-être déjà écrit mais c’est toujours marrant de le remettre.

Ensuite je suis rentré blogger. Il y avait un concert de jazz qui avait l’air bien sur Ipanema, mais je loge à Botafogo maintenant, et j’ai la flemme… Je suis allé traînailler mon violon à Lapa, et le lundi soir, il n’y a pas grand monde… Plus de policiers que de touristes. Enfin quand même un groupe d’une demi-douzaine de personnes sur les marches, dont un guitariste, alors j’ai un peu joué mais rien de fantastique, à part une « Bamba » dans un genre mélodique et arpégé, du plus bel effet.

Ah et à la demande du mec, j’ai donné mes coordonnées pour intégrer leur groupe de funk. Normal. Ils m’ont quand même pas recontacté depuis, mais le moment était marrant en soi.

Dimanche 12 août – Retour à l’auberge et messe jésuite

Musique du jour : In My Life – The Beatles
Demain j’emménage dans une coloc !
Et dans la semaine qui suit j’aurai des cours de portugais intensifs à l’université, et un tandem pour discuter en portugais et vraiment progresser. Et une excursion prochaine à Ilha Grande qui se prépare. Et une visite de Camille de Sao Paulo pour couronner le tout !

Ma coloc est à Botafogo, quartier plutôt sympa et plus « réel » que l’ambiance plage d’Ipanema et Copacabana. Dans l’appartement il y a 8 Brésiliens/Colombiens (et peut-être une autre nationalité) qui ont l’air cool, et tout ce qu’il faut dedans. Par contre la chambre est petite mais le lit se replie en fauteuil pour gagner de la place.

Mais ne brûlons pas les étapes…

[Avertissement : long post plein de photos, pour changer]

***
Samedi soir, comme je ne l’ai pas mentionné dans mon dernier post, j’ai répondu à Coralie qu’on pouvait se voir le lendemain, par exemple le matin.
Dimanche, donc, je me réveille tôt (9h), et réveille Davi également pour vérifier sur son ordinateur si elle m’a répondu, au cas où. Non. Mais je me prépare et sors quand même.

On m’a dit que dans ce quartier il y avait des auberges de jeunesse pas mal et moitié moins chères qu’à Ipanema. Alors en allant chasser mon petit-déjeuner, j’erre un peu dans les rues déjà ensoleillées pour en trouver une. Pas facile d’y aller au jugé… Mais je n’ai pas vraiment eu l’occasion de regarder des adresses sur Internet comme je le voulais, sans wifi et avec mon logeur juste à côté… Et mes contacts sur Rio ne m’ont pas répondu. Je finis par m’attabler dans une petite galerie marchande et commande un café pour me rendre les idées claires. Si seulement il existait, je ne sais pas, une version papier de Google mais pour les auberges et les trucs de voyage, une sorte de guide pour les gens sur les routes… Ah. Zut. Il existe, je l’ai dans ma valise, et je l’ai laissé à l’appart.
Cette capacité à faire des erreurs et savoir après coup ce qu’il aurait fallu faire, c’est ce qu’on appelle communément « être stupide ».
Bon, pas la peine de faire comme les cinéphiles du Colorado, je décide de ne pas me laisser abattre. En payant mon café, je demande à la caissière si elle connait des auberges dans le coin. Oui ! En fait, non. Mais elle me dit d’attendre deux minutes, elle sort de derrière le comptoir et elle me mène vers la fleuriste à côté. La caissière explique mon problème, la fleuriste répond qu’elle a la solution. Je remercie ma sauveuse qui retourne à son poste ; la fleuriste me donne alors une série d’indications que je ne comprends pas, je lui demande si elle peut marquer l’endroit sur ma carte, elle me répond que non… mais elle appelle le stagiaire pour qu’il m’y mène directement. Wow. Ok, les Brésiliens sont sympas, preuve directe.
Je suis donc le jeune fleuriste en uniforme jusqu’à la porte noire de l’auberge, il vérifie qu’il y a bien quelqu’un et s’en va sous mes remerciements les plus chaleureux.
L’auberge est située au-dessus d’un bar vide à cette heure-ci, je crois qu’ils partagent aussi le staff. J’entre dans une pièce unique qui occupe tout l’étage, décorée de bibelots et tableaux et une photo de Marion Cotillard et un jeu d’échecs et un mur peint tout entier du drapeau du Brésil, des tapis au sol, des canapés, un jeu d’échecs… un standardiste se pointe en baillant. Ils ont de la place, c’est 30 reais la nuit (la moitié qu’à Ipanema) payable d’avance. Ok, je reviendrai avec mes affaires.

En revenant à l’appartement, Davi fait visiter les chambres à une Italienne, jeune et jolie et qui rigole à ses blagues et qui est impressionnée par le fait qu’il soit athlète… Je glisse dans la conversation que je pars aujourd’hui finalement, et donc ma chambre sera libre aussi. La fille semble enthousiaste par l’appartement. La pauvre. Elle demande si il a le WiFi, il répond « oui bien sûr » le canaillou.
Puis la fille repars et la discussion commence. Il avait prévu que je reste pour le mois, et il a besoin de l’argent, il comptait refaire la terrasse, et il vient de dire à des gens que la chambre n’était pas libre, et qu’est-ce qu’on fait alors, et ouin ouin ouin. Je réponds que mes amis montent une colocation et que je dois aller vivre avec eux et que ça s’est décidé hier soir. C’est faux, mais si je lui dis que je pourrais jamais m’habituer à vivre dans ce trou à rat, il risque de se mettre en colère, devenir tout vert et… euh… pas beaucoup changer par ailleurs ; il a quand même de très gros bras. Je l’apaise en lui donnant 60 reais, c’est le prix d’une nuit au LightHouse avec des gens sympas et un petit-déjeuner sans fourmi. Il porte ma valise en bas des escaliers et on se dit adieu.
Bref ça s’est relativement bien passé ; si j’étais resté plus longtemps, même une nuit, ça m’aurait été beaucoup plus difficile de partir, surtout après le barbecue qu’il voulait faire dans l’après-midi.

C’est étrange de revenir en auberge, comme repartir du point de départ… Dans la nouvelle auberge, j’ai enfin l’occasion d’accéder au deuxième étage et aux chambres. Enfin, à la chambre. Tout comme la salle commune n’est qu’une grande pièce décorée, le deuxième étage n’est qu’un seul dortoir à lits superposés, avec quand même une petite séparation (mais toujours la même pièce) pour le coin des filles. C’est paradoxalement moins convivial que des chambres de quatre ou six. Mais je suis là que pour quelques jours donc ça ira. Je me rends vite compte qu’il n’y a pas grand monde qui y dort en ce moment, et je n’aurai par la suite pas l’occasion de lier connaissance avec mes colocataires. Une fille se balade en pantalon moulant et maquillage et corps d’athlète, et elle me verra essentiellement uniquement glandouiller sur Internet allongé comme une larve.

Il faut dire que maintenant j’ai le wifi ! Et des prises électriques pour recharger mon PC ! …C’est peut-être une addiction. Un jour je finirai par vendre un rein pour un e-mail et 10 minutes d’accès à Facebook.

Finalement Coralie m’appelle et me donne rendez-vous en début d’après-midi devant le musée des Beaux-Arts. Je m’y rends, c’est dans le centre ; quand les gens travaillent c’est très animé, mais le soir et les week-end… moins. Il y a plus de sans-abri que de passants avec des billets ornés d’un jaguar dans leur portefeuille. En plus le musée est fermé. Mais comme Coralie m’avait appelé en numéro privé, je ne peux pas la prévenir. Bref. J’ai pris mon violon pour la suite de ma journée, donc en attendant je fais quelques gammes. On a un nom de blog à porter ou on l’a pas. J’ai faim. Dans le coin… un McDonald’s. Je me sens honteux en engloutissant mon Big Mac.

Place de Saint Bidule – Musée du Tractopelle

Ah ! Coralie arrive enfin ! Toute en rose et rayonnante. Elle s’était perdue suite à un chauffeur de bus qui l’avait fourvoyée sur son itinéraire, mais maintenant elle est là. Moi je dois déjà partir dans une petite heure. On discute, j’apprends quelques mots de portugais, on va voir des militaires faire un tour dans un parc. Sa famille brésilienne vit des mésaventures palpitantes comme seules peuvent l’être celles des familles latines. Après une petite balade agréable, on retourne près du métro. J’ai encore un peu de temps alors on s’attable et elle me fait découvrir le jus de canne à sucre : le garçon enfourne les cannes à sucre dans sa machine devant toi, et il en sort un liquide jaune-vert composé de sucre, d’eau et encore du sucre.

Coralie et son jus de sucre

On se dit au revoir, et je pars pour mon rendez-vous : je vais jouer à la messe !
Le guitariste de la prière de Taizé de lundi dernier m’avait proposé sur Facebook de venir y jouer, chose que je fais régulièrement à Vélizy [note : oui à force de ramener mon violon n’importe où, je me suis un jour retrouvé à Notre-Dame de Paris devant un nombre beaucoup trop grand de gens, et les équipes de KTO TV ; absurde. Heureusement que le violoniste d’à côté jouait bien, lui au moins]. Mercredi on m’avait proposé d’intégrer la scène musicale underground carioca, maintenant la communauté chrétienne brésilienne, dans six mois je me présente aux élections.
On m’a dit que ça commençait à 17h30, je comptais m’y rendre vers 16h30 pour répéter, mais je ne voulais pas écourter mes quelques minutes avec Coralie, venue de Paris… En plus les Brésiliens sont toujours en retard, ils m’ont pas prévenu de la répétition, je n’en ai sûrement pas besoin de toute façon, et puis ça sera une première fois pour moi de me faire attendre au Brésil… J’arrive à la chapelle à 17h15.

Eh bien ce ne sera pas aujourd’hui qu’on m’attendra ; Felipe le guitariste n’est pas encore arrivé. En attendant je prends des photos.

Une cour avec des palmiers, c’est ça que j’aurais voulu au lycée ! A la place j’avais… un jardin de Versailles… ouais bon, mais quand même.

Facebook 1920 : Photos du mur

Lorsque le guitariste se pointe à 17h45 il m’apprend que la messe est en fait à 18h30 et qu’on a du temps pour répéter. Bon. Il m’apprend ensuite que la messe durera 1h30 plutôt que une heure dans le rite habituel, parce que ce soir c’est une « messe qui prend son temps ». Peut-être lisent-ils l’évangile en slow-motion ?
Au moins je préviens Florette qu’elle aussi peut prendre son temps ; elle est non-croyante mais je l’avais prévenu que je jouais ce soir et elle voulait venir. Par ailleurs si c’est un peu trop long, et sachant que les Erasmus font une soirée/dîner qui commence un peu tôt ce soir, elle n’est pas obligée de venir si elle change d’avis…

Felipe m’emmène dans une petite pièce avec table, canapé et bibliothèque, et va photocopier des partitions. Je feuillette son gros livre de partitions des chants de Taizé.

Et voir ça à l’autre bout du monde, ça fait vraiment chaud au coeur…


(Per Crucem)

Il revient, on discute un peu, il parle anglais, il a un jour essayé d’apprendre le français, il vient du Sud du Brésil donc il a un accent (comme dire « tu » plutôt que « você », et d’autres singularités que je ne remarque pas). Ensuite arrive la guitariste qui jouera également.
Felipe nous présente, elle ouvre des grands yeux émerveillés quand elle apprend que je suis violoniste, et français, et elle tient à photographier mon T-Shirt Cavern Club, qui correspond à une blague entre copines… je ne tiens pas forcément à creuser le sujet. Elle me demande depuis combien de temps je fais du violon, elle elle joue de la guitare depuis 4 ans, elle semble pas très sûre d’elle en jouant. Felipe fouille ses papiers, j’ai sorti mon violon, elle lance un riff en attendant, et on se retrouve à jouer Billy Jean de Michael Jackson. Oui, au violon, parce que je suis le mec le plus cool du monde.
Elle me pose une question, je réponds que je suis là depuis trois semaines maintenants, mais Felipe me traduit qu’elle voulait savoir quel âge j’ai. Euh… Bah 22 ans. Et toi ?
15 ans.

Ah. Bien sûr.
Felipe remarque que toutes les filles du coin ont l’air bien plus âgées qu’elles ne le sont. J’approuve.

On part répéter dans la chapelle au bout du couloir. Le prêtre vient nous dire bonjour, puis Patricia la chanteuse qui a vécu un an à Paris et a apparemment organisé cette liturgie ; je crois comprendre qu’il y en a une autre plus traditionnelle dans la grande église de l’institut.
La messe ne tarde pas à commencer. Florette n’est pas arrivée, elle a dû renoncer et je la comprends. J’éteins mon portable. Après le chant d’entrée, on me demande gentiment de me présenter, je suis un peu surpris et bredouille deux-trois choses avec le sourire, ça passe. Un peu de chant de Taizé, je lis quelques partitions, j’improvise quelques accompagnements, je comprends les textes en portugais parce que finalement je les connais déjà… Les chants en portugais sont vraiment pas mal. Un répertoire que je ne connais pas, mais qui doit être leur Patrick Richard national. Par contre ils récitent toutes les prières, le Credo, le Confiteor et tout le toutim, et je ne les connais pas forcément toutes par coeur. Felipe va lire le psaume au pupitre avec sa guitare. Puis peu après le prêtre lit l’évangile (« je suis le pain… celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra »).
Puis tout le monde se lève et s’en va.
Euh…
En fait Patricia m’explique que, comme l’avait annoncé l’homme à côté d’elle au cours de la célébration, ils allaient maintenant prendre un moment de silence et de réflexion sur le texte pour une vingtaine de minutes, ici ou ailleurs, et ensuite partager sur ce sujet par petit groupe, avant de continuer l’eucharistie. Ah. Effectivement j’avais plus ou moins compris ça mais je n’avais pas voulu le croire. Bon.
Le temps de silence est le centre de la communauté de Taizé, et c’est vrai que j’en ai besoin dans ces temps trépidants. Je m’installe sur les marches de la cour, entre deux palmiers, sous les étoiles scintillantes. Je lève les yeux au ciel…
« Hey salut Arthur ! Finalement t’es là ! »
Florette était venue, au bout du compte !

Bon… Du coup, même si ça me fait très plaisir qu’elle soit venue malgré tout, j’en suis très gêné. C’est sa première messe, et celle-ci est plus bizarre et moins adéquate pour « je reste au fond et je regarde ce qu’il se passe avec curiosité » du rite habituel. Et surtout là, avec les gens qui prient un peu partout autour et dispersés, on doit paraître carrément étranges… Et je peux pas lui expliquer en dix mille mots ce qu’il se passe et comment occuper 10 minutes de silence, parce qu’il y a des gens à côté qui veulent justement ce silence… On finit par regarder les étoiles ensemble. Je suis un bien mauvais hôte.

Felipe annonce le retour à la chapelle. Là les gens se séparent en petit groupe, j’en forme un francophone avec Florette et Patricia. Celle-ci explique à celle-là le fonctionnement du bouzin, la Toulousaine annonce qu’en fait elle n’est pas croyante et pas du tout initiée à la culture chrétienne, mais prête à parler quand même… ça aurait pu marcher (à Taizé on se retrouve régulièrement à discuter à des agnostiques ou athées ou même musulmans de passage, et c’est plutôt intéressant), mais là Patricia enchaine sur la façon qu’elle a de chercher la vérité dans Dieu et autres concepts qui me paraissent un peu brumeux à moi-même. Tant pis pour l’intégration. J’explique ce que représente pour moi ce passage du texte : il fait partie des passages qui me donnent la foi ; le fait que Jésus qui a annoncé une série de vérités et de paraboles simples et belles, qui a suffisamment enseigné pour être crédible et que je lui accorde ma confiance, s’annonce comme le pain de vie, ose dire « celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra », eh bien c’est pour moi le plus fort signe de la résurrection. Parce que pour annoncer quelque chose comme ça, il faut soit être fou, soit le Fils de Dieu. Et le Sermon sur la montagne montre qu’il n’était pas fou.
L’office reprend. Ma gêne pour Florette monte encore quand on se prend les mains pour le Notre Père, et quand on s’échange la paix. Mais elle semble le prendre pas trop mal. Moi je me serais enfui en courant à sa place. C’est vrai qu’on est bizarre.

Le prêtre donne l’eucharistie à l’autel, et le fidèle le trempe lui-même dans le sang du Christ. J’apprendrai plus tard que c’est apparemment une hérésie (mais du même genre que prendre l’hostie dans la main plutôt que dans la bouche, alors moi ça me va).

Après la messe, on se réunit autour d’une table dans le couloir bordant la cour, pour manger des gâteaux et de la confiture. Miam. Du coup on discute, j’explique à Florette ce qu’il s’est passé (en employant beaucoup trop de fois le mot « Taizé », comme ici en fait), elle annonce avoir été un peu perdue parfois mais que finalement c’était amusant. Elle entame la conversation avec Rafael, un Carioca philosophe qui a vécu à Paris et a découvert Dieu récemment ; je pense qu’après une heure avec lui je l’aurais retrouvée baptisée. Je parle avec un Congolais qui porte une chemise de séminariste (= boutonnée jusqu’en haut et une poche sur la poitrine), et attaque les gâteaux.
Finalement on part pour la soirée, parce que c’est bon, j’ai sauvé mon âme éternelle pour la semaine.

J’apprendrais plus tard que la Messe qui Prend son Temps est effectivement quelque chose qui existe. Sacrés jésuites. Dans le taxi je raconte le peu que je sais de leur organisation, Ignace de Loyola, la Contre-Réforme, les missions, la construction d’écoles… Mais on arrive avant que je puisse caser les fourbes du lycée Sainte-Geneviève de Versailles.

La Casa Rosa est une maison rose. Avec plein de couloirs et deux étages et deux cours intérieures. Il y avait un dîner feijoada (haricots noirs, riz et viande, très populaire ici) organisé mais on est arrivé plus tard. La musique est pas folle, à part une salle « années 80 » avec les standards brésiliens de l’époque dont les clips sont projetés sur un écran mural, alors je suis obligé de parler aux gens. Florette me présente quelques amies dans le coin. Je repère des mecs en chemise, alors je vais tester ma théorie selon laquelle ils doivent être français : raté, italiens. Mais fort sympathique. L’un d’eux est avocat et va parler à Florette. A un moment, je remarque une fille qui me parait russe. Je voudrais bien réactiver un peu mon russe, et voir si mon racial profiling est efficace, alors je m’approche :
« ты говоришь по русский ? »
« да »
Oh mon Dieu j’avais raison ! En fait elle est Biélorusse et travaille ici, en partie pour échapper à… bah à Minsk. Dans cette ville, elle connait 5 Russes, dont deux travaillent à l’ambassade. C’est pas ici que je peindrai des oeufs à Pâques.

Finalement je rentre à l’auberge. Le bar de l’auberge diffuse de la musique à fond la nuit, mais à l’étage du dortoir c’est assez atténué pour pouvoir dormir. Alors dodo.